samedi 4 avril 2009

à l'est, rien de nouveau.

Le silence radio se prolonge sur le blog du PCUB. Pourquoi, se demande la foule éplorée ? Qu'est-ce donc qui retient vos héros prolétariens préférés d'écrire ? Que se passe t'il ? Rien. Il ne se passe absolument rien. Kliment Iefremovitch est sorti de l'hôpital la semaine dernière et a passé une semaine complète au repos quasi-absolu. Il est maintenant en pleine forme, ou du moins, autant que sa santé habituelle le lui permet.
La vie à l'abshijitié est d'un ennui mortel. Molotov compte, sur son calendrier de la Marine Russe, les jours qui le séparent encore de son retour, le 22 avril. Vorochilov se traîne et lit un livre par jour. Nos colocs ne valent guère mieux. Ioannis a définitement déserté la podfak et n'ouvre plus les yeux avant quatorze heures, heure de Moscou. Rémy s'enfonce dans la schizophrénie la plus totale, alternant phases d'hystérie enjouée, abattement profond et résurgences de sa personnalité gaulliste malmenée par ce pays de dingues. Depuis plus d'un mois, le ménage n'est plus fait et les visites s'espacent. Avec quoi nettoierions-nous notre appartement, étant donné que serpillères et éponges sont d'une saleté encore plus répugnante que le sol et les murs ?
La décadence s'est installée et fait désormais partie de notre morne quotidien, preuve que l'être humain s'habitue à tout, comme par exemple, le matin, à esquiver, dans la salle de bains, les morceaux de peinture qui se sont détachés du plafond tout au long de l'année ; à éviter soigneusement le "tapis de bain", cette loque noirâtre baignant en permanence dans la flaque d'eau qui suinte de l'évier fuyant et dans laquelle nagent des filaments noirs de crasse à la dérive. On s'habitue aussi à tirer le rideau de douche, rigide à force de saleté, avec lenteur et précaution : la tringle qui le soutient, rongée par la rouille, s'est brisée il y a deux semaines, et ne tient plus qu'en équilibre précaire.
On s'habitue, dans la cuisine, à passer deux fois l'éponge sur la table pendant les repas : une fois après, quand on a le temps, mais surtout, une fois avant, pour dégager quelques centimètres carrés libres de miettes et autres débris organiques non identifiés où poser notre assiette.
On s'habitue à ne jamais marcher pieds nus, sous peine d'emporter, collée à la voûte plantaire, la poussière et les débris de terre accumulés depuis février. On s'habitue à la pénombre ambiante : si le soleil rachitique de Moscou réussit parfois à percer les nuages, il n'arrive pas à faire son chemin à travers les vitres que nous n'avons jamais nettoyées.
Pour passer le temps, l'après-midi, nous regardons la télé (quand l'écran est visible : si un rayon de lumière se pose dessus, la poussière qui le recouvre scintille et rend impossible la vision de l'image). Du matin au soir, TV5 Monde nous accompagne et nous rappelle que la nullité culturelle de la télévision russe n'a absolument rien à envier aux émissions françaises. Parfois, pris de scrupules, nous passons sur des chaînes russophones. Aujourd'hui, sur "Zvezda" (l'Etoile), les choeurs de l'armée russe ont interprété un large répertoire de chants patriotiques. Avec les choeurs de l'armée rouge, il était possible de se concentrer sur la mélodie, mais nous sommes maintenant atteints de la malédiction du langage : nous comprenons. Accompagnant des paroles d'une bêtise patriotique affligeante ("rayonne, ô toi notre patrie bien-aimée"), la musique des chants russes s'est mise au goût du jour et ressemble comme deux gouttes d'eau à la variété pitoyable que diffusent toutes leurs radios (et les nôtres). Comme nous pensions toucher le fond, le pire est arrivé sous la forme d'un choeur de gamins d'entre cinq et dix ans en uniforme interprétant une chanson à la gloire de l'armée (notre armée est la plus forte, notre armée est la plus audacieuse). Nous n'avons pas pu supporter jusqu'au bout le spectacle insoutenable de ces mômes si tôt décérébrés par l'idéologie nationaliste extrémiste que semblent partager tous les russes, et avons passé le reste de l'après-midi en traînant minablement jusqu'au soir, ou nous postons ce triste, mais entièrement véridique, compte-rendu.

Venez nous chercher !

8 commentaires:

Vorochilov a dit…

J'imagine que quand les toilettes seront trop sales, nous n'oserons plus y entrer et choisirons un autre lieu de commodités. Et là, ce sera vraiment la fin.

Résident anonyme a dit…

Cela a deja commencé, mais tout le monde n'en a pas encore pris conscience...

Anonyme a dit…

Désolée, mais j'ai été prise de fou rire en lisant ce compte-rendu du camarade Molotov ! courage, camarades, tenez bon : un bataillon parental arrive la semaine prochaine et ma fibre ménagère n'étant pas totalement desséchée par mon féminisme militant (tendance Emilie du Châtelet), je me sens d'humeur, par pure humanité et sens élémentaire de l'hygiène, à vous apporter quelque soutien : la souris a beaucoup entamé les serpillières qui traînent sous notre évier mais il y en aura bien une ou deux qui pourront vous rendre service, sans compter moult produits estampillés "bio", éponges grattons-laveurs, etc. Vu que je suis aussi une mère au coeur tendre (et légèrement soulevé désormais à la pensée de visiter ce lieu mythique qu'était pour nous votre appartement) , je pourrais même vous filer un coup de main ou à tout le moins vous faire bénéficier de mes conseils éclairés! (je reste prudente, là...)
Sinon, pour contrer l'ineptie de la chanson russe, pourquoi ne pas écrire ce qui pourrait s'intituler "le blues du Moscovite"? ça aurait un grand succès. Sinon, je n'ai rien contre le fait que Vorochilov lise un livre par jour... On peut aussi vous apporter un peu de ravitaillement dans ce domaine.
Allez et "sursum corda"! (tant pis, vous n'aviez qu'à faire du latin)
Anne-Marie

Nibus a dit…

Me voila un peu rassurée en lisant le commentaire d'Anne-Marie...quand je pense à la studette bordelaise du camarade Molotov et que j'imagine CA multiplié par 6...la nausée m'étreint! Le truc positif, c'est que ça permet au camarade M. de faire de la jolie littérature. Pensez quand même à votre malade qui a besoin de soins et d'hygiène...

Anonyme a dit…

Je comprends mieux pourquoi tu as si hâte de séjourner à Rochellograd Molotov!!!
Pikamphitrion

Anonyme a dit…

Parapluie,
Sans trouver la réponse,
Quand sur mes joues il pleut ,
Les jours rallongent ,
Je te promet que je trouverai .

Unknown a dit…

Si même les petits chanteurs patriotiques de l'armée rouge ne vous remontent plus le moral... c'est la FIN!
Je vous attends ici avec toute une bibliothèque de champs anarchistes!

Anonyme a dit…

Vous n'avez pas encore les souris ou les rats...